Dans son « Rapport mondial sur la violence et la santé » L’Organisation Mondiale de la Santé définit la violence comme « La menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal-développement ou des privations. » A travers cela, l’OMS déclare que la violence fait partie des problèmes de santé publique dans le monde. Il ne faut pas nier que bien que l’environnement de la santé où l'attente du patient est forte, chargée en émotion et en angoisse est certainement plus propice à des passages à l’acte, la violence dans le système de santé en général et dans les hôpitaux en particulier reflète la violence et plus précisément la diversification des formes de violence de la société elle-même.
Le mot violence vient du latin « vis » qui signifie la force, sur l’usage de laquelle elle repose.
La violence est l’abus de la force, son usage disproportionnée. D’où le fait d’adopter une réponse proportionnelle à la violence en cas de légitime défense [1]. Alors que le mot agressivité vient du latin « ad-gressere » qui signifie aller vers et qui renvoie à un comportement.
La violence hors pathologies contre le personnel hospitalier est incompréhensible et inadmissible dans des hôpitaux dont l’objectif premier est de soigner, et pourtant, elle est présente, fréquente et préoccupante.
Il est difficilement concevable que des incidents violents se produisent fréquemment dans les hôpitaux et que, dans certains cas, la violence physique puisse même transformer l’hôpital en un espace où se manifeste une violence volontaire extrême et destructrice qui se traduit par des impacts négatifs que ce soit au niveau du personnel en souffrance, des arrêts de travail, du sentiment d’insécurité, du coût financier avec la répercussion sur l’accès aux soins et la continuité des soins, d’une réputation dégradée etc.
Plusieurs études ont été menées sur les facteurs et les motifs déclarés qui conduisent à la violence en milieu hospitalier et il semblerait qu’on peut catégoriser les causes de la violence dans les hôpitaux de la manière suivante :
Les relations (comportement et perception) soignants-soignés-accompagnants ;
La prise en charge, les conditions d’hospitalisation et l’organisation des soins ;
L’architecture, l’aménagement des services, l’accueil et la sécurité des lieux.
Cette violence qui peut être psychologique, verbale ou physique se manifeste de différentes manières, à savoir du patient au personnel, des accompagnants du patient au personnel, de patients à patients, voire du personnel au patient ou encore entre les membres du personnel à travers différents conflits dans une minorité de cas.
Parmi les facteurs qui mènent à la violence, on peut citer les problèmes de communication et plus précisément de transmission de l’information, la peur avec l’angoisse et l’anxiété, la frustration, le stress, la surcharge de travail ou la perte de contrôle de part et d’autre. Et concernant les motifs de violence, les données 2019 de l’ONVS recensent majoritairement le reproche relatif à la prise en charge du patient (45,3 %), le refus de soins (20,2 %), le temps d’attente (11 %), l’alcoolisation (9,7 %), le règlement de comptes et conflits familiaux (5 %)…
Dans ce domaine CARINEL Audit & Conseil intervient dans les établissements de santé pour mener des études de terrain empiriques sur les actes de violence dans différents services afin de relever aussi bien les possibles facteurs de vulnérabilités pouvant mener à la violence que les facteurs de protection susceptibles de réduire les passages à l’acte violents qui perturbent la prise en charge des patients, la qualité du service de soins et la santé psychique des soignants. Notre intervention permet de fournir à l’établissement (hôpital, clinique, laboratoire…), en travaillant auprès des responsables de sécurité-sûreté, membres du CSE (ex CHSCT) et des responsables de services, un plan de prévention interne à la violence qui répond aux problématiques identifiées avec des objectifs mesurables pour mettre en place des mesures de protection qui placent la sécurité au travail comme prioritaire.
Que les agressions subies par les employés du secteur de la santé soient verbales ou physiques, chaque jour, ces professionnels de santé au sens large sont agressés partout dans le monde. Du point de vue historique, il est intéressant de constater qu’à l’origine les hôpitaux n'étaient pas des centres de soins mais plutôt des lieux d’assistance pour les pauvres et que, comme nous le verrons ci-dessous, les questions de sécurité étaient gérées bien différemment.
Comme le rappel l’article de Futura Sciences, « Au Moyen Âge, l'Hôtel-Dieu désigne un établissement hospitalier fondé et contrôlé par un évêque. […] Si au XVIe siècle, la pauvreté apparaît comme une menace sociale, au XVIIe siècle, la pauvreté est considérée comme un problème politique et l'État s'en empare. La mendicité, la débauche et la prostitution sont combattues avec acharnement. Les hôpitaux deviennent alors des lieux d'enfermement des pauvres et des marginaux. » La Salpêtrière de Paris, créée en 1656, est le plus grand centre d’enfermement de femmes de l’époque et c’est à partir de 1684 que les « femmes débauchées » y seront enfermées.
En 1789, le chirurgien français Tenon publie un mémoire dans lequel il décrit la situation catastrophique de l'Hôtel-Dieu de Paris : 4000 malades se partagent 1200 lits dans des salles équipées de latrines défectueuses. Les malades sont quatre à six par lit, tête-bêche, dans des lits prévus pour deux ! Non sans imaginer l’angoisse légitime d’un patient pris en charge à cette époque, il est certain qu’on peut relativiser du point de vue historique face aux problématiques d’attentes aux urgences aujourd’hui qui génèrent parfois des attitudes violentes de la part du patient. Et non sans écarter cette cause qu’il faut améliorer au mieux pour limiter les temps d’attentes excessifs, il est important de souligner que la prise en charge hospitalière a évoluée considérablement au fil des siècles pour le bien du patient et la qualité des soins.
A l’époque pour assurer la sécurité des lieux, chaque hôpital général avait sa propre Police privée. Ce service de Police avait pour mission d’une part, de faire la chasse aux pauvres et d’autre part, d’assurer le maintien de l’ordre à l’intérieur de l’hôpital. Il y a fort à parier que les méthodes employées par la Police privée de l’époque pour gérer les incivilités et la violence à l’intérieur des hôpitaux étaient différentes des méthodes employées aujourd’hui.
De récentes études menées dans le monde entier illustrent l'ampleur du phénomène de la violence dans le secteur de la santé qui traverse les cultures et les frontières et permettent de constater que les actes de violence ne sont pas propres au système de santé français.
Selon l'American College of Emergency Physicians (ACEP, Groupement des Médecins Urgentistes des États Unis), près de 7 médecins urgentistes sur 10 pensent que la violence dans les services d'urgences est en constante augmentation. Environ 80 % de ces médecins reconnaissent que ces événements ont également fait des victimes parmi les patients. Plus de 50 % d'entre eux ont déclaré que des patients ont été physiquement blessés. En outre, 47 % des médecins ont déclaré avoir été personnellement agressés physiquement au travail.
En Chine, pays où le taux d'homicides est l’un des plus bas au monde, 29 meurtres dans des hôpitaux ont été signalés entre 2001 et 2011. En France, selon l’ONVS, sur l’année 2019, 7 actes ont été qualifiés de crime, 21 en 2018, 17 en 2017…
Une étude menée au Royaume-Uni dans 6 services d’urgences différents des hôpitaux publics sur un panel de 158 participants a démontré que sur une période d’un mois, 83 % du personnel avait été victime d'une agression verbale, 50 % avait été menacé et 63 % avait été agressé physiquement. Parmi les personnes agressées, 56 % ont été blessées, dont trois ont dû subir une évaluation ou un traitement médical.
Concernant les violences dans les établissements de soins en France, le dernier rapport disponible de l’ONVS recense pour l’année 2019 les niveaux de gravité d’atteintes aux personnes en les hiérarchisant selon les actes signalés :
les violences physiques (niv. 3) et menaces avec arme représentent 49 % ;
les insultes et injures (niv. 1) 31 % ;
les menaces d’atteinte à l’intégrité physique (niv. 2) 18 % ;
les violences avec arme (niv. 4) 2 %.
Le rapport a le mérite d’être plutôt exhaustif dans la caractérisation des violences volontaires sans armes : Coup de tête, coup de poing, coup de coude, coup de genou, coup de pied (notamment dans la gorge, le nez, l’œil, la mâchoire, la pommette, les lèvres, les dents, les parties génitales, les seins, le ventre d’une femme enceinte) ; cri strident ; doigt dans l’œil ; étranglement ; gifle ; griffure ; morsure ; ongle enfoncé dans la chair ; pincement ; projection violente ; tirage des cheveux (avec parfois arrachage de touffes et même du cuir)...
Un témoignage glaçant pour les non adeptes des violences dans le secteur de la santé :
« Au sein du centre d’accueil urgences psychiatriques un patient attend que l’infirmière se trouve le dos tourné, se jette violemment sur elle, la traîne par terre en la tirant par les cheveux et lui assène des coups de pied et de poing, il est ensuite maîtrisé par le service de sécurité ainsi que le personnel arrivé sur les lieux en renfort. L’infirmière se trouve avoir été choquée de la violence de l’agression, elle déclarera plus tard avoir vu dans les yeux de l’auteur l’envie de la tuer. L’auteur se trouve avoir été hospitalisé pour tentative de meurtre sur sa compagne. Plainte. »
Ainsi que pour les menaces et violences volontaires avec armes sur les personnels dont le rapport distingue :
celles par nature (arme à feu ; arme blanche dont les objets contondants : poing américain, tonfa, nunchaku, etc. ; bombe lacrymogène) ;
celles par destination (objets qui vont être utilisés comme arme soit par détournement de leur usage naturel à des fins de violence, soit parce que l’auteur a délibérément transformé l’objet dans le but d’en faire une arme, plus rarement. [2]
Un témoignage relate le fait suivant dans un service d’urgences :
« Un patient m’a menacé de me poignarder en mimant le geste plusieurs fois. Puis il a brandi un couteau pour me menacer réellement en présence de la cadre de nuit qui a tenté de le calmer. L’agent de sécurité du SAU a appelé le PC sécurité en renfort. Ils l’ont désarmé et ont fait sortir le patient. »
Ces descriptions et témoignages de violences avec ou sans armes qui dressent un tableau ultra violent sont malheureusement plausibles voire fréquents dans les différents services de soins. Toutefois, certains services concentrent une part significative de ces signalements comme la Psychiatrie (18%), Urgences (16%), USLD/EHPAD (13%), Unité de soins (9%), Médecine (8%).
Sur les 21 234 atteintes aux personnes en 2019, on dénombre 34 922 victimes avec une majorité de personnels (82 %) -dont 94,5 % pour les professionnels de santé-, de patients (11 %), d’agents de sécurité (4 %), autres (2 %) et de visiteurs (1 %).
De même, sur les 23 390 auteurs de violences aux personnes ont été recensés les patients (70 %), les accompagnateurs et visiteurs (18 %), autres (8 %) et les personnels de santé 3 %.
La violence des mineurs à l’hôpital dont certains souffrent de troubles psychiques ou de pathologies psychiatriques et d’autres qui relèvent de comportements délinquants est préoccupante car elle implique de jeunes enfants qui parfois, dans des corps d’adultes, expriment une violence extrême envers les soignants ou les autres enfants qui est délicate à contenir pour le personnel et notamment les agents de sécurité et de sûreté qui se doivent, quand ils sont appelés en renfort, d’intervenir avec prudence et technicité pour canaliser l’enfant sans attitudes disproportionnées dans le respect de son intégrité physique.
Le rapport nous apprend que toutes victimes confondues, les atteintes aux personnes déclarées à l’ONVS en 2019 ont généré : 6 205 jours d’arrêt de travail sur 2 859 signalements mentionnant les arrêts de travail, 1 134 jours d’incapacité totale de travail (ITT) sur 2 333 signalements mentionnant l’ITT. Aussi et bien que ces faits dramatiques nous effraient rien qu’à la lecture, cette précision permet néanmoins de rendre compte dans la limite des signalements volontaires, de l’évolution de la situation des violences en santé selon les services, auteurs, territoires, gravité des faits etc. afin de mieux évaluer l’impact psychologique des agressions sur les victimes et notamment les soignants ainsi que faire évoluer les mesures de prévention et de sûreté pour permettre une meilleur intégration et coordination des réponses efficaces pour prévenir, gérer et endiguer cette violence à travers une politique de sécurité en accord avec la réalité in situ.
A ce propos, notre directeur pédagogique Marc FESLER interviendra lors d’une conférence en ligne pour le compte de la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées sur les agressions verbales et physiques le samedi 24 avril 2021 de 10h à 11h. En tant que 6ème Dan et membre de la Commission Nationale de Krav-Maga il aidera les participants à reconnaître les signes avant-coureurs des agressions verbales et physiques et les conduites à tenir pour les désamorcer.
L’inscription gratuite est obligatoire ici : https://www.ffkarate.fr/calendrier/conference-en-ligne-agressions-verbales-et-physiques/
Prochain article : PREVENTION DE LA VIOLENCE EN MILIEU DE SANTE. LE RÔLE DE LA FORMATION
[1] Article 122-5 du code pénal : N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.
[2] Adaptable, agrafeuse, aiguille à tricoter, anse de broc d’eau, antenne de crâne, assiette, balai, balai (manche à…) avec cutter scotché au bout, balle en bois, barre de fer, batte de baseball, béquille, bistouri, bouteille en verre, branche d’arbre, bris de verre, brosse à dents équipée d’une lame de rasoir, cadre mural avec verre, cafetière brûlante, canne de marche, casaque roulée en bouchon contenant des bouts de verre, casque de moto, ceinture de cuir, ceinture de sécurité, ceinturon, chaîne de vélo, chaise, chambranle de porte, charriot de soignant, chaussure, chaussure de foot à crampons, chien, cigarette allumée, cintre, ciseaux, clavier d’ordinateur, clou, cordon de sonnette, cordon de téléphone, couverts en métal, crayon à papier, crochet du lève-personne, déambulateur, déodorant (aspersion dans les yeux), écran d’ordinateur, enceinte bluetooth, extincteur, fauteuil roulant électrique ou manuel, fils électriques, grille de radiateur. Instrument de musique, joint de fenêtre, jouet, lame de rasoir, latte de lit, livre, lunettes, marteau, marteau brise-vitre, massue en bois, miroir, néon, oreiller, panier du lave-vaisselle, panière, panneau de sécurité, pèse-personne, pichet en métal, pied à perfusion, pied de table, pierre, pistolet à bille, pistolet de la douchette, plaque en fer, plateau-repas, plâtre en résine, poignée de volet roulant, porte (frapper avec ou la fermer sur les doigts), porte-gants en métal, poteau de balisage, poubelle métallique, produit désinfectant (aspersion dans les yeux), punaise pour tableau, raquette, sangle, sapin de Noël, scalpel, scope de transport, seringue (usagée), stylo à bille, table, télécommande de jeux vidéo ou de télévision, téléphone portable, tensiomètre, thermomètre tympanique, tournevis, triangle de potence, tringle à rideaux, tringle de penderie, tronçonneuse, trousseau de clés, urinal, vaisselle, valise, véhicule, vélo, ventilateur.
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