Plusieurs pays occidentaux sécularisés pratiques des principes de la laïcité comme la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, les Etats-Unis ou encore le Canada à des degrés très variables d’un pays à l’autre. Prenons l’exemple de l’Allemagne qui n’a pas de religion officielle et qui garantit la neutralité de l'État vis-à-vis des religions. Cependant les institutions religieuses coopèrent avec l'État qui les finances par l’intermédiaire d’un impôt religieux. Ainsi, les Allemands sont tenus de déclarer leur religion pour un prélèvement des fidèles au bénéfice des cultes catholiques, protestants et juifs. L’Allemagne envisage d’étendre cet impôt au culte musulman. Sur cet aspect, la tradition laïque française est aujourd’hui aux antipodes du versement de la dîme (taxe biblique), qui s’élève jusqu’à 9 % outre-Rhin, consacrée au financement des institutions religieuses alors que la France abrogeait cet impôt cultuel après la Révolution française en 1789 et ne salarie plus les cultes, sauf exceptions, depuis la loi de 1905. L’impôt religieux est aussi présent en Suisse, en Italie, en Finlande, en Autriche, au Danemark ou encore en Argentine. En effet, dépourvu de tradition laïque, le préambule de la Loi fondamentale (1949) affirme la conscience du peuple allemand « de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes », l’Allemagne ne considère pas la religion comme une affaire privée. A ce titre, une récente décision à Cologne autorise, pour une expérimentation, les 45 mosquées de la ville à diffuser l’appel à la prière du vendredi dans l’espace public au nom de la diversité des cultes et de la liberté religieuse (d’autres villes du pays l’autorisent déjà depuis 1985). De même, cette expression de pratiques religieuses permet aux élèves le port de signes religieux dans les établissements scolaires allemands (et le réglemente au niveau des seize Länder -États fédérés d'Allemagne- pour les enseignants) lorsque cela est strictement interdit en France depuis la loi de 2004 concernant les signes religieux ostensibles (le voile, la kippa, le turban, une croix prononcée...) dans les écoles publiques sur les principes de la liberté de conscience et de l’émancipation républicaine notamment.
Outre-Atlantique, aux Etats-Unis, le premier amendement de la Constitution de 1787 impose la séparation de l'Église et de l'État et garantit la liberté de culte. Il n’y a pas de référence à Dieu constitutionnellement et l’on remarque que la première devise des États-Unis est « E pluribus unum » (De plusieurs, nous faisons un) avant que le Congrès des États-Unis adopte « In God We Trust » (En Dieu nous croyons) comme devise officielle en 1956 pour symboliser une opposition face à l'Union soviétique athée…
Lorsque l’article 2 de la loi de 1905 déclare que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. », cela n’est pas le cas dans différents pays comme le Canada qui au contraire reconnaît toutes les religions et se place en arbitre neutre.
Même constat en Belgique avec six religions reconnues officiellement et où les prêtres, pasteurs, rabbins et imams perçoivent un salaire de l'Etat fédéral et les édifices religieux peuvent être financés par les pouvoirs publics. En Suisse, c’est l'égalité de traitement qu’impose la Constitution. En revanche, chaque canton applique une politique différente en matière de traitement des religions. La Grèce conserve, elle, une religion d’Etat chrétienne orthodoxe où jusqu’en 2000, la religion devait être mentionnée sur la carte d’identité des Grecs et l’Angleterre conserve l'anglicanisme comme religion d'Etat.
En Italie, Espagne et Portugal il est intéressant de souligner que s’il y a bien une séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’appartenance au christianisme est revendiquée de différentes façons et s’inscrit dans un régime concordataire. De même, l’enseignement religieux est autorisé ou obligatoire dans les écoles publiques. Pour l’Italie, les principes du catholicisme appartiennent au « patrimoine historique du peuple italien » tandis que l’Espagne reconnaît l'Église catholique comme celle de la « majorité des Espagnols » et enfin le Portugal garantit « le caractère exceptionnel des relations entre le Portugal et l’Église catholique. »
Sur le continent africain, bien que la religiosité puisse être très marquée dans l’espace public, la laïcité est inscrite dans la Constitution d’une dizaine de pays : Mali, Sénégal, Guinée, Togo, République Démocratique du Congo, Cameroun, Gabon, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Tchad, République Centrafricaine, Tanzanie et Namibie. Notons encore que la Chine se proclame elle aussi laïc dans sa constitution…
Pour terminer ce tour d’horizon de la laïcité dans le monde, citons l’exemple de la Turquie qui a introduit la laïcité en 1937 dans sa Constitution et qui figure parmi l'un des seuls pays majoritairement musulman à revendiquer une laïcité. Bien que le terme soit directement emprunté au français, l’application est différente de la laïcité à la française et l’ère Erdogan confirme que la religion s’immisce toujours plus dans le pouvoir avec une politique d’islamisation de la société qui compromet davantage les valeurs de laïcité. Alors que le port du voile ait été interdit dans les institutions (fonction publique, université) de l'Etat Turc pendant des décennies, le gouvernement Erdogan l’autorise à nouveau dans les années 2010.
Notre formation à la laïcité permet avant tout de donner une juste connaissance de ce principe constitutionnel républicain inscrit dans la loi depuis 1905 et régulièrement réinterrogé sur son application dans l’espace public comme privé. Elle s’inscrit dans l’obligation nationale de former l’ensemble des agents publics d’ici 2025.
Autant de laïcité que de manières de la pensée
Ce qui définit la laïcité c’est bien l’interprétation et l’application que l’on en fait. Xavier Delgrange, MCF à l’Université Saint-Louis souligne que « c’est la différence entre la laïcité juridique et la laïcité narrative ». De même, Jean-Philippe Schreiber, professeur à l’ULB, y voit la spécificité française « dans la façon dont la République se déclare laïque, avec une communication politique particulière. La religion civile qu’est la République est érigée dans le grand discours. »
Il n’est pas sans dire avec ces multiples interprétations de la laïcité dans différents pays que l’on ne peut certainement pas y apposer une définition internationale au vu de la variété des applications laïcs que chaque Etat décide d’instaurer et de légiférer selon sa tradition et sa conception de la place des religions dans la société. Cette comparaison de la laïcité peut permettre de mieux saisir sa portée et ses valeurs intrinsèques lorsque nous identifions clairement les principes défendus et appliqués par la France de ceux des autres pays.
Les conséquences des différentes applications de la laïcité sur le plan politique, civil et spirituel se répercutent par le truchement du clergé sur la mainmise des religions dans la sphère sociale.
Il est à chacun libre de se faire sa propre opinion sur l’éventail des possibilités de la laïcité en respectant l’application de cette dernière dans le pays où il évolue comme le mentionne en France l’article 1er de la loi 1905 « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »
A ce propos, il n’est pas toujours aisé d’identifier précisément ce qui relève du « culte ». Prenons deux définitions qui paraissent explicites. Tout d’abord, celle de Léon Duguit, ancien juriste français, selon laquelle « le culte est l'accomplissement de certains rites, de certaines pratiques qui, aux yeux des croyants, les mettent en communication avec une puissance surnaturelle » (1925). Puis celle du Conseil d'État qui par l’intermédiaire d’une jurisprudence livre la définition suivante du culte : « la célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques » (1997). Pour résumer, nous pouvons dire que le culte réunit deux aspects : un aspect subjectif (la croyance en une foi ou divinité) et un aspect objectif (la communauté qui se rassemble pour des cérémonies).
Pour conclure, la laïcité en France concerne toute la société et s'applique à différents niveaux dans le secteur public et privé. Dans cette optique, la formation que nous avons développée vise à faire comprendre la notion et les principes de la laïcité dans la fonction publique et dans le secteur privé. À terme, cadres et agents peuvent devenir des acteurs du bon respect de la laïcité. À noter que les notions transmises au cours de nos formations peuvent être appliquées dans la société en général. A ce titre, nous proposons un webinaire consacré à la laïcité dans la fonction publique et spécifiquement en santé le 9 décembre prochain pour la journée de la laïcité. En plus de revenir sur les récentes mesures prises par le nouveau Comité interministériel de la laïcité, nous proposerons des ressources pour aborder la laïcité à l’hôpital par exemple avec le positionnement adéquat pour incarner la loi de 1905 face aux défis de notre société contemporaine. Ce moment s'adresse à tous les acteurs garants de la laïcité dans les services publics. L’inscription est requise en amont : https://u-paris.zoom.us/meeting/register/tZ0tcuGqqzMuGdfvIUw9CxRkMG85mBROcFNe
Nous intervenons également en intra dans votre organisation et à distance en e-learning. Nos animations sont destinées aux directeurs, managers, responsables des ressources humaines, employés, agents publics, référents laïcité et toutes personnes en contact avec le public désirant d'apporter les réponses justes en maîtrisant les repères de la laïcité.