En mars 2020, nous avons publié sur notre blog l'article intitulé "BIOTERRORISME : quels risques et comment s'y préparer ?" qu'on peut lire ci-dessous.
Deux ans et demi après le début de la pandémie, la levée de l'état d'urgence dans la quasi-totalité des pays et les "ondulations" du COVID-19 qui continuent de temps à autre d'occuper l'espace médiatique, les questions posées dans cet article semblent toujours d'actualité.
- Sommes-nous prêts à une nouvelle pandémie, qu’elle soit d’une origine naturelle et un acte de bioterrorisme
- Serons aptes à répondre collectivement à une crise d’origine naturelle ou terroriste
Notre avenir dépendra donc de notre capacité à s’adapter à cette nouvelle réalité.
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Il est probable que dans l’histoire moderne la question du météorologue Edward Lorenz « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », même si elle traite de prédictibilité et de météorologie n’a jamais pris autant de sens qu’aujourd’hui.
Si les chercheurs de l'Académie chinoise des sciences considèrent que les chauves-
souris sont à l’origine de la pandémie de COVID-19, tandis que d’autres chercheurs pensent qu’il s’agit du serpent (Journal of medical virology), force est de constater qu’un problème de santé, à priori mineur, en Chine a eu un impact majeur sur l’ensemble du monde.
Peut-on considérer qu’au-delà de toutes théories complotistes qui ne manquent pas de voir le jour concernant les origines du COVID-19, la situation que nous vivons aujourd’hui s’apparente au début d’une nouvelle ère au même titre que les attentats du 11 septembre 2001 ?
Les attaques terroristes du 11 Septembre 2001 des tours du World Trade Center à New York par deux avions dont les équipages ont été pris en otage par les membres d’une organisation terroriste islamique, Al-Quaïda, ont changé l’ordre mondiale. En effet, le 11 septembre a marqué le début d'une nouvelle époque. Le commencement d'une guerre qui dure entre l'Occident et les groupes djihadistes avec un nombre d'attentats en forte augmentation. Des dizaines de milliers d’attaques terroristes ont été perpétrées en faisant des dizaines de milliers de morts et davantage de blessés, essentiellement des civils.
Pour plusieurs pays, le terrorisme est devenu l'enjeu politique numéro un, avec le renforcement des liens entre les services de renseignement et la mise en place de nouvelles règles avec des contrôles sécuritaires renforcés.
Les guerres en Afghanistan, en Iraq et le printemps arabe sont les conséquences directes des attaques du 11 Septembre 2001. Pourtant, malgré toutes ces attaques terroristes l’ordre mondial n’a jamais autant été mis à l’épreuve qu’aujourd’hui.
Le terrorisme va-t-il changer son mode de fonctionnement et s’orienter vers la guerre biologique ou vers le bioterrorisme ?
Sommes-nous préparés à une menace volontaire bactériologique ?
Figure 1 : Credit - Lev Fedoseyev-TASS-Getty
Le Guide INTERPOL de préparation et de réponse à un attentat bioterroriste définit le phénomène de la manière suivante : « Le bioterrorisme désigne la dissémination délibérée d’agents biologiques ou de toxines en vue de nuire à des personnes, des animaux ou des plantes ou de provoquer leur décès, dans l’intention d’intimider un gouvernement ou une population civile ou de les contraindre à servir des objectifs politiques ou sociaux. »
Par ailleurs le même guide nous prévient que « Le bioterrorisme constitue une menace réelle, et les informations dont on dispose indiquent que des individus, des groupes terroristes et des malfaiteurs ont à la fois la capacité et l’intention d’avoir recours à des agents biologiques afin de nuire à la société. »
L'utilisation d’armes biologiques remonte à l'antiquité et inclut l’usage de flèches trempées dans le sang de malades, l’empoisonnement des puits ou encore du vin mélangé à du sang de lépreux.
La plupart des grandes nations ont lancé un programme de développement d'armes biologiques entre les deux guerres et ces programmes ont été amplifiés après la seconde guerre mondiale. Le programme soviétique de recherche d’armes biologiques, Biopreparat, employait à lui seul près de 60 000 personnes dans les années 1980 pour la culture de l'anthrax, du bacille du charbon, des virus Ebola, Marburg, ou de la variole. Ce dernier est officiellement arrêté. De même, l’unité japonaise 731 est une des premières en la matière avec son programme d’armement biologique mis au point en 1937 afin de réaliser toutes sortes d’expérimentations dans un premier temps décevantes « que ce soit par des avions épandeurs, des bombardements aériens avec des puces infestées ou des bombes chargées de bacilles » avant d’obtenir des résultats car « les Japonais s’aperçurent que les germes sont difficiles à utiliser : ils sont à la fois fragiles et incontrôlables » comme le cite cet article de The Conversation. Avant la guerre du Golfe, l’Irak produisait également plusieurs centaines de litres d’agents actifs par an.
Les armes biologiques n’ont alors rien d’authentiques en soit, en revanche les potentiels moyens de production et de diffusion de celles-ci évoluent rapidement.
Déjà en 2002, Henri Hubert Mollaret dans son livre « L'arme biologique : Bactéries, virus et terrorisme » ,considère que la préparation d'une arme biologique à petite échelle (pour une attaque terroriste par exemple) ne demande qu'un appareillage très réduit :
Une cocotte-minute
Un réfrigérateur ménager
Un four à micro-ondes
Un bec Bunsen ou un camping-gaz
Quelques milieux de culture faciles à préparer
De plus, il est relativement facile de se procurer des souches infectieuses, et de les transférer d'un pays à un autre. S'il existe un vaccin ou des antibiotiques efficaces contre l'agent utilisé, le terroriste peut facilement se protéger contre ses effets.
Le Sénat, dans son rapport « Le risque épidémique », traite le sujet du bioterrorisme et stipule que « Les attaques bioterroristes ont été peu nombreuses. » La GTD Global Terror Database de l’Université de Maryland recense entre 1981 et 2018 moins de 50 attaques biologiques avec un nombre total de 9 morts et 805 blessés, dont la plus importante s’est produite en août 1984 aux Etats-Unis (la secte américaine Rajneeshee, afin d'influencer le résultat des élections locales, contamine les « salad bars » d'une dizaine de restaurants de « The Dalles » dans l'Oregon avec des échantillons d'une culture de Salmonella. Résultat : 751 cas recensés de salmonelloses et probablement beaucoup plus). L’impact de ces attaques sur l’économie mondiale et sur l’ordre mondial est quasi inexistant et c’est pour cela qu’il y a peu d’échos au niveau du grand public.
Toujours dans le rapport du Sénat, le chapitre 4 traite de « LA CRISE DE GRANDE AMPLEUR D'ORIGINE NATURELLE : L'EXEMPLE DE LA GRIPPE. » en considérant que l’épidémie de grippe risque « la paralysie du pays et les difficultés de communication vis-à-vis d'une population stressée pour ne pas dire plus. »
Peut-il y avoir un dénominateur commun entre le bioterrorisme et les pandémies ?
Le terme Kamikaze est utilisé pour désigner toute personne commettant un attentat-suicide.
Les premiers attentats-suicides ont été perpétrées pendant la guerre du Liban au début des années 80 par le Hezbollah contre les États-Unis et contre la France et par la suite contre Israël. Depuis, les attentats-suicides se sont largement répandus à travers le monde. L’impact de ces actes terroristes « se limite » à la population locale et n’a pas réussi à ce jour à ébranler l’économie et l’ordre mondial.
Imaginons désormais un scénario dans lequel un terroriste kamikaze réussit à se faire inoculer un virus à forte capacité de contamination. En se déplaçant dans différents pays-cibles il est en mesure, en seulement quelques jours, de propager ce virus à travers le monde avec les conséquences dramatiques que nous connaissons fort bien actuellement.
Quelles sont les mesures de prévention pour éviter ce type de scénario, comment les mettre en place et comment les respecter ?
Il semble évident que la réponse ne peut venir que de la coopération internationale et l’investissement dans la recherche et développement pour être en mesure de faire face à ce type de menace. Les mesures sécuritaires devront être adaptées pour tenir compte de l’expérience du COVID-19, mais aussi de l’évolution du terrorisme et notamment de la terreur biologique.
Au lendemain du 11 septembre 2001, les autorités aériennes, EASA (agence de sécurité aérienne européenne) et FAA (agence américaine, ndlr) ont demandé aux acteurs de l’aviation de travailler ensemble sur un système permettant de verrouiller le cockpit afin que personne de l'extérieur ne puisse ouvrir la porte même sous la contrainte d'une arme.
Il est donc probable qu’il faudra imaginer des scénarios de détection de porteurs de virus asymptomatiques ainsi que des tests à grande échelle pour limiter la propagation de virus. La technologie jouera un rôle majeur dans la prévention des pandémies.
Des tests menés conjointement par un hôpital israélien (Assouta Ashdod) et la startup de haute technologie Luminati Networks portent la promesse de pouvoir identifier les porteurs asymptomatiques grâce aux téléphones portables sur la base de niveau de saturation d’oxygène dans le sang. A terme, le grand public pourra effectuer ces tests indépendamment ou bien ces tests pourront être effectués par des agents de sécurité avant de prendre les transports en commun par exemple.
Aussi, l’approche de la vidéoprotection est susceptible d’évoluer et les caméras vont intégrer de plus en plus les détecteurs de chaleur pour identifier les personnes avec de la fièvre comme l’explique cet article du Figaro sur le boom des caméras thermiques. Tout comme les applications de suivi des malades qui se multiplient avec en parallèle la question des libertés individuelles au cœur des discussions.
Ainsi, dans les mois et les années à venir, l’arsenal juridique devra être renforcé pour tenir compte des modifications de comportements des terroristes et inclure la menace par armes biologiques et les différentes utilisations possibles.
A ce titre, on peut évoquer ce qui était dans un premier temps, hors crise pandémique, une mauvaise farce, c’est-à-dire le cas d’une jeune américaine qui a été interpellée en juin 2019 par la police après avoir posté une vidéo en train d’ouvrir un pot de glace dans un supermarché, de le lécher avant de le reposer. Elle risque tout de même une peine de prison allant de 2 à 20 ans et jusqu'à 10 000 dollars d'amende pour « dégradation d'un produit de consommation ». Puis, dans un deuxième temps, de crise pandémique, nous avons à titre de comparaison en mars 2020, un américain qui s’est filmé en train de lécher des produits dans un supermarché Walmart en provocation du coronavirus. Celui-ci a été arrêté et placé en garde à vue cette fois-ci pour « terrorisme au second degré » avec « mépris total quant au risque d'évacuation, de quarantaine et de fermeture ». Son audience est prévue en avril…
En dehors de ces affaires de stupidité enfantine, les considérations à propos d’un acte similaire peuvent rapidement évoluer et prendre une ampleur considérable en fonction de la situation sanitaire, économique et sociale. Les protocoles de sécurité devront ainsi être adaptés pour tenir compte des prochaines pandémies dont les origines seront à déterminer.
Plus tôt le point de départ d’un virus sera connu, plus vite nous pourrions nous préparer aux différents scénarios et mieux nous serons aptes à répondre collectivement à une crise d’origine naturelle ou terroriste. Notre avenir dépendra donc de notre capacité à s’adapter à cette nouvelle réalité.
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