Le film CONTAGION du réalisateur Steven Soderbergh (primé aux Oscars en 2011, voir la bande annonce) raconte l’histoire d’un virus extrêmement contagieux : le virus MEV-1.
Ce film d’anticipation présente un virus qui se répand à une très grande vitesse dans tous les pays du monde puis décrit les réactions des populations, mais aussi celles des diverses organisations internationales, y compris celle de l’OMS et des gouvernements.
Le film est nettement inspiré par l’épidémie du SRAS (acronyme français de syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 ou encore par l’épidémie de la grippe H1N1 en 2009. Le scénario de ce film produit en 2011 présente une ressemblance frappante avec les événements actuels liés à la pandémie de COVID-19.
Comme si Hollywood ne suffisait pas, le livre « Le nouveau rapport de la CIA : comment sera le monde en 2025 ? » paru aux Éditions Robert Laffont en 2009 est un rapport dans lequel l’agence de renseignement américaine tente de prédire l’avenir et prévient de « l’apparition d’une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement contagieuse ».
Le même texte prévoit dans quelle zone et dans quelles circonstances ce nouveau virus pourrait émerger : « Si une maladie pandémique se déclare, ce sera sans doute dans une zone à forte densité de population, de grande proximité entre humains et animaux, comme il en existe en Chine et dans le Sud-Est asiatique où les populations vivent au contact du bétail. »
Bill Gates, le fondateur de Microsoft évoque en 2015 dans une conférence TED intitulée « La prochaine épidémie ? Nous ne sommes pas prêts » les risques d’une pandémie et donne les clés pour l’éviter et la maîtriser en concluant que nous pouvons nous y préparer à condition d’investir en conséquence avec une coopération mondiale…
Plus encore, dans un article scientifique relatif aux caractéristiques du Sars-CoV-1 publié en 2007 dans la revue Clinical Microbiology Reviews, des chercheurs expriment les risques de réémergence du SARS (acronyme anglais de severe acute respiratory syndrome). Et lorsqu’ils répondent à la question « Devons-nous être prêt pour la réémergence du SARS ? », ils énoncent avec sagacité « la présence d'un grand réservoir de virus de type Sars-CoV chez les chauves-souris "en fer à cheval", ainsi que la culture de manger des mammifères exotiques dans le sud de la Chine, [qui] est une bombe à retardement. Il ne faut pas ignorer la possibilité de réapparition du SARS et d'autres nouveaux virus provenant d'animaux ou de laboratoires et, par conséquent, le besoin de préparation. »
Tous ces exemples prescients qui remontent à plus de 10 ans pour certains montrent que les connaissances sur les risques d’une pandémie et les actions à mettre en place ainsi que l’impact sur la société existent depuis longtemps.
Cette situation équivoque sur la connaissance à priori et l’attente d’un événement redoutable à posteriori met en lumière le cercle de l’apprentissage suivant : on ne sait pas qu’on ne sait pas > on sait qu’on ne sait pas > on sait qu’on sait > on ne sait pas qu’on sait.
Ce dernier permet de visualiser le savoir en différentes phases : insouciance, confiance, doute, perte de confiance, sachant, expertise etc. au regard des positions adoptées et met en avant le biais de surconfiance, signe d’un certain degré d’ignorance.
Figure 1 : Cercle de l'apprentissage
Alors comment penser la sortie de crise ou plutôt dirons-nous la phase de résolution, cicatrisation ou stabilisation si la société n’a pas su prendre les mesures en amont malgré des séries causales pourtant prégnantes et documentées ?
Penser la sortie de crise en plein bouleversement
La non-prise en compte de ces risques engendre une crise majeure aussi bien humaine qu’économique et nous payons un lourd tribut à notre non-capacité de pouvoir identifier les périodes d’incubation et les éléments déclencheurs de cette pandémie avec la moitié de la population mondiale en confinement, plus d’un million de porteurs du virus et des dizaines de milliers de morts (plus de 70 000 au 6 avril 2020). Pour cela faudrait-il apprendre à s’intéresser davantage au commencement comme le conjure Didier Sicard, spécialiste des maladies infectieuses et professeur émérite à Sorbonne Université dans un entretien accordé à France culture : « Ce qui me frappe toujours, c’est l’indifférence au point de départ. Comme si la société ne s’intéressait qu’au point d’arrivée : le vaccin, les traitements, la réanimation. Mais pour que cela ne recommence pas, il faudrait considérer que le point de départ est vital. Or c’est impressionnant de voir à quel point on le néglige. »
Figure 2 : Dashboard de suivi international de l'évolution du COVID-19 au 6 avril 2020
Mise à part les origines de la crise, nous nous trouvons actuellement dans la phase aiguë de la crise qui demande des réponses opérationnelles adaptées à la situation et la capacité à prendre les bonnes décisions au moment opportun pour réagir de façon stratégique et structuré. La sortie de crise et le retour à une certaine stabilité est donc un des sujets majeurs dans la gestion de cette crise COVID-19.
Quelle est la meilleure stratégie de sortie de crise ?
Comment déconfiner la population ?
Comment éviter le retour de la pandémie ?
Quel sera le monde à la sortie de cette crise ?
Allons-nous revenir au monde que nous connaissons ?
Les réponses à ces questions doivent sans doute être trouvées maintenant.
Le confinement décidé par la plupart ou par la quasi-totalité des gouvernements affectés permet de soulager les services de réanimation, mais ne résout en rien le problème de la persistance de l'épidémie. Comme le souligne l’historien Yuval Noah Harari dans une Tribune au journal Le Monde « si le confinement, à court terme, est essentiel pour freiner l’épidémie, l’isolationnisme, à long terme, provoquerait un effondrement de l’économie sans offrir aucune protection contre les maladies infectieuses. Au contraire. Le véritable antidote à l’épidémie n’est pas la ségrégation, mais la coopération. » en poursuivant que « La meilleure défense dont les hommes disposent contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information ». De plus, le facteur climatique qui fait que certains virus supportent mal la chaleur est à prendre avec beaucoup de prudence pour le COVID-19 qui s’est nettement développé dans certains pays du Moyen-Orient et atteint désormais l’Afrique. La chaleur peut ralentir sa progression mais ne l'empêche pas de se propager.
« L’objectif du confinement est de limiter le nombre de formes graves pour permettre à notre système de soin de rester efficace. Mais l’épidémie continuera à tourner après le confinement. Elle ne sera terminée que quand on aura atteint une immunité de groupe. C’est-à-dire quand un pourcentage important de la population sera immunisé. Nous allons publier un nouvel avis sur les outils à mettre en place pour accompagner cette sortie », a ainsi indiqué dans le journal le Figaro le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy.
Il semblerait que la plupart des experts s’accordent à dire que la réponse de sortie du confinement dépend désormais du déploiement à grande échelle d'un nouveau type de tests dits "sérologiques". Ces tests permettent de savoir si la personne est immunisée contre le virus et ne risque plus de contracter la maladie.
Plusieurs laboratoires travaillent sur ces tests et il n’est pas illusoire de croire que ces tests seront disponibles prochainement. Deux millions de kits ont été commandés « pour avril » afin de « préparer le pays à la phase de déconfinement » a annoncé le ministre de la Santé Olivier Véran récemment.
La graduation du déconfinement de la population jouera un rôle majeur dans le non-retour de la pandémie. Il semble logique de commencer le déconfinement par les personnes immunisées et les personnes jeunes pour redémarrer l’économie et limiter les risques de contagion pour les populations plus fragiles. Le port du masque obligatoire pour toute la population pendant et après le confinement est lui aussi envisagé ouvertement notamment depuis la récente déclaration de l’Académie de médecine. Reste encore à résoudre la logistique et l’épineux embarras des stocks.
Plusieurs pays ont adopté la géolocalisation des personnes infectées par le COVID-19 grâce à leur smartphone pour surveiller leurs déplacements et éviter les contaminations sur un trajet donné. Cette solution fait débat en France et pose des questions de protection de la vie privée. Cependant, le gouvernement s’intéresse à une application pour suivre les malades de façon anonyme et basé sur le volontariat. Orange et SFR ont accepté de partager les données de géolocalisation des smartphones de leurs clients et désormais Google vient de décider de lever le secret sur les données de géolocalisation « pour que les scientifiques et les gouvernements puissent suivre l'épidémie de coronavirus et constater l'efficacité du confinement » comme le relève un article de Futura Science. Ainsi, on peut dès à présent constater les effets des mesures de confinement sur les déplacements des personnes régions par régions en France dans ce rapport.
Vers une nouvelle intégration des mesures de précaution
Mais quel sera le retour d’expérience (RETEX) et les mesures qui seront mises en place à la fin de cette épisode pandémique ?
Il semble acquis que le retour à une vie stable sera très progressif et que notre quotidien sera différent à la sortie de cette crise. On peut citer, comme exemple, le cas d’un citoyen qui tousse de manière virulente ou non en rentrant dans un établissement public ou privé.
A quelles réactions peut-on s’attendre et quelles seront les consignes à suivre ?
Sera-t-il invité à porter un masque pour entrer dans l’établissement ?
La prise de température deviendra-t-elle systématique pour accéder à l’établissement?
Les agents de sécurité auront-ils l’autorisation d’exiger la présentation d’un certificat médical ?
Quel sera le rôle du directeur de sécurité du site et l'obligation de l'employeur ?
Cette liste de questions peut être prolongée à l’infini ou presque.
Le besoin de repenser notre modèle sécuritaire semble être une nécessité et notre capacité de reprendre une vie stable à la sortie de cette crise dépendra étroitement de notre capacité à mettre en place ce nouveau modèle systémique. Ce modèle doit tenir compte, entre autres, de la menace terroriste qui reste toujours présente afin de considérer toutes les interactions possibles. « Pas des missiles, mais des microbes » disait Bill Gates dans la conférence citée plus haut.
La crise COVID-19 a démontré aux différentes organisations ferventes de terreur que la guerre biologique peut complètement désorganiser l’ordre mondial.
Pour conclure, la non-prise en compte de risques connus engendre une crise majeure aussi bien humaine qu’économique et notre capacité à reprendre une vie stable dépendra de notre capacité à mettre en place des modèles sanitaires, économiques et sécuritaires qui garantissent la prise en compte de ces risques de façon pondéré et continu. Nous pouvons prendre pour exemple la méthode TEM pour Threat and Error Management, traduire gestion des erreurs et des menaces, pour lutter contre la routine et les menaces mal identifiées qui peuvent entraîner des situations indésirables. Cette méthode développée à l’origine pour les pilotes permet d’éliminer le biais de surconfiance dans des situations où celui-ci n’est pas le bienvenu pour répondre avec discernement aux risques majeurs.
Figure 3 : Threat and Error Management (TEM) model for aviation
Il en revient donc de notre capacité collective à identifier des processus et agir pour une prévention culturellement incorporée et contre la logique de réponses saccadées face à l’instantanéité.
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